Thème ♪♫

Les nuages cachaient les étoiles avec véhémence. Dès qu'un petit trou laissait entrevoir les rayons diaphanes de la lune qui se reflétait dans la rivière mouvante, immédiatement un autre colosse de vapeur sombre s’immisçait entre les autres et tout redevenait noir. Dans cette obscurité totale, une silhouette fine vint s'approcher du pont, jusqu'au bord du précipice. A quelques briques près du trou, le chat s'assit et inspira. Les paupières de l'animal se fermèrent et il pu écouter les bruits de la nuit. Les grillons chantaient leur douce mélopée tandis que la brise fraîche venait faire chuchoter les feuilles nouvelles et chatouiller son poil couleur de nuit. Ce soir il se retrouvait invisible. Pelage d'ébène dans une nuit noire, rien ne pouvait venir trahir sa présence. Un son d'éclaboussures fit ouvrir les yeux au Meneur du Clan du Tonnerre. Deux point mordorés s'allumèrent dans la pénombre. Bien moins lumineuses et chatoyantes qu'en plein jour, les prunelles du matou trahissaient quand même sa présence pour qui savait observer.

Etoile Nocturne s'avança de quelques pas supplémentaires, se collant au bord de la cassure du pont. Des gravas s'arrachèrent sous ses pattes et coulèrent dans quelques clapotis chaotiques. Les oreilles du chat se dressèrent. Il écoutait avec attention le monde de la nuit. Il se rendit compte que les grillons faisaient silence et que le vent doux était tombé. Le museau du chat se fronça et son regard intrigué se leva vers l'empyrée. Un éclair blanc zébra la voûte céleste durant plusieurs secondes avant qu'un roulement lourd et grave fit trembler la cage thoracique du mâle noir. Il comprit que ce n'était pas lui qui était victime de ces vibrations intempestives, mais bien le pont sous ses coussinets. D'autres graviers tombèrent dans l'eau troublée. Le courant semblait plus vif d'un coup. Il devait pleuvoir dru en amont. L'orage éclatait avec toute sa violence et sa férocité. Et pourtant, ici, au dessus de la forêt du clan du Tonnerre, aucune goutte d'eau n'était venu arroser les plantes en cette saison nouvelle. Les nuages ne semblaient pas enclins cette nuit non plus, à déverser sur eux leurs larmes glacées.

L'air s'alourdissait et devenait électrique, à mesure que le ciel s'illuminait d'une lueur violacée à chaque trait de foudre qui tombait et que le grondement sourd du Tonnerre résonnait dans le pays des chats sauvages. Etoile Nocturne se demanda si les autres clans recevaient la pluie bénéfique à toute jeune pousse. Celle qui manquait cruellement sur son territoire. Il sentait l’électricité statique coller ses poils entre eux, lorsqu'il esquissait un pas pour redescendre vers la berge, des petites étincelles crépitaient entre ses pattes et son abdomen. Dire qu'il était venu là pour se ressourcer et trouver une réponse, y voir plus clair dans sa relation avec la femelle léopard, démêler les sentiments contradictoires qui s'opposaient en lui. Faire le point sur cette tempête intérieure. Il aimait Fleur Sauvage, la guérisseuse au regard limpide et si doux. Il l'aimait d'un amour tendre et sincère, malgré toutes les difficultés qui s'étaient dressées entre eux dès le début. Et puis, il aimait Buttercup. Avec elle, c'était plus complice, passionné. Il se sentait libre et brûlant comme le feu.

Et au lieu de cette introspection nécessaire, le matou noir se contenta d’observer avec une certaine délectation et une fascination totale le déchaînement de la prairie sombre du clan des étoiles. Était-ce un message pour le mettre en garde ? Ou une simple coïncidence. Etoile Nocturne savait bien que le clan des étoiles n'étaient pas toujours responsable de la météo. Un doute traversa pourtant son esprit, avant de disparaître devant la lumière vive et accrue d'un éclair plus gros que les autres. Le sol trembla tout juste après. La foudre était tombé non loin du pont brisé, mais où il n'avait pas vu...