Ce matin là, il était sorti tôt. Ou plutôt, ses maîtres l'avait collé dehors. Ils devaient partir avec le petit d'homme alors qu'il ne faisait pas encore jour. Réveillé par l'agitation de la maison, le jeune chat n'avait pas eu d'autres choix que d'obéir et de filer dans la fraîcheur du matin. Assis dans son jardin, sous le pommier en fleur, le matou écoutait son ventre grogner de mécontentement. Hier soir encore, ses Bipèdes avaient oublié de remplir la gamelle, parce que le petit d'homme hurlait à plein poumons constamment. Atome, qui avait chercher leur tendresse s'était fait rabrouer à coup de journal. Il n'avait pas le droit de s'approcher du petit bipèdes qui dormait à longueur de journée et qui pourtant, accaparait ses Maîtres au point qu'eux n'avait plus rien de temps ou d'amour à donner à leur chat. Pourtant le félin tigré ne se plaignait pas, jamais. Silencieux, il ne miaulait pas afin d'éviter de rajouter du bruit dans cette maison devenue hostile pour lui.

Il finit par se redresser, mauvais chasseur, il lui fallait pourtant quérir à manger rapidement. Voilà deux jours qu'il n'avait rien dans le ventre, et il sentait les effets de la faim dans ses pattes. Il se sentait faible, petit et insignifiant. Il était malheureux, mais s'efforçait de continuer à sourire et d'accepter son sort en se disant qu'il y avait pire. Pour le moment jamais ses maîtres ne l'avait oublié la nuit, et toujours il avait eu un toit et un coin chaud ou dormir. S'aventurant lentement au delà du périmètre délimité par le petit grillage métallique, le jeune chat posait ses prunelles vert pomme partout, inspirait l'air profondément et écoutant les bruits de la nature qui s'éveille. Il ne s'éloigna pas trop cependant, la pinède lui faisait peur, d'autant plus qu'il entendait déjà le monstre y ronronner. Une odeur âcre irrita ses narines à l'instant où un aboiement dans son dos le fit sursauter. Un chien en liberté ! Apeuré, l'adolescent courut à perdre haleine dans l'arbre le plus proche avant de se rendre compte de deux choses. La première, le chien était attaché et aboyait depuis derrière sa barrière.

La seconde... Qu'il venait de mettre une patte dans la forêt. Et soudain, tout lui parut plus sombre et dangereux. Recroquevillé sur sa branche, il resta silencieux, s'efforçant de ne pas trembler.

Tremblant, le souffle court, le jeune matou laçait un regard inquiet dans l'obscurité de la forêt. Un odeur de chat lui titilla les narines et il se raidit. Un sauvage allait lui tomber dessus et le tuer. Car c'est ce qu'ils faisaient aux domestiques, les félins sauvages étaient des monstres bourrés de muscles qui n'aimaient pas qu'on s'introduise sur le territoire. Il le savait, tout les chats de son entourage en parlait ! Et puis Buttercup, le chatte du Bengale qui était sa voisine, y était parti avec ce chat noir au prunelles dorées si particulières, et il ne l'avait plus jamais revue ! Bon, certes ça ne faisait que quelques jours, mais quand même ! Les yeux vert pomme du jeune chat se posèrent sur la silhouette d'un mâle large d'épaule. Il déglutit. L'autre animal s'avança jusqu'à une flaque de lumière prodiguée par la Lune, encore haute dans le ciel ses rayons transperçaient les feuillages des épineux. Le sauvage posa à terre le corps sans vie d'une proie. Atome retint son souffle, tétanisé.

« Tu n'est pas du coin toi... »

Le chat sauvage déplaça le fruit de sa chasse plus près du jeune chat tigré. Ce dernier descendit prudemment de sa branche, afin d'avoir le champ libre à la fuite. Même s'il savait que face à un chat sauvage, il était déjà mort.

« Je ne vais pas te manger tu sais, tiens si tu as faim, tant que tu m'en laisse un peu. »

Le petit et chétif félin se détendit très légèrement. L'autre ne semblait pas méchant ou fâché. Mais on ne pouvait pas vraiment savoir, certains des vieux et gros pépères domestiques disaient qu'ils étaient fourbes et mauvais. Atome avança son museau vers la viande fraîchement tuée et en attrappa un bout de flanc avant de recula d'un pas précipitamment et de murmurer, toujours angoissé.

« Me... Merci... »

Le chat noir, bien qu'imposant, semblait amical. Naïf et pensant que tout un chacun était bon et sincère de base, Atome finit par desserrer les dents et s'approcher d'un nouveau pas. Il ne comptait pas reprendre du petit lapin, même s'il avait encore un peu faim, le peu qu'il avait avalé était plus qu'à son habitude dans sa gamelle, il n'irait donc pas abusé. Son regard s'alluma de gratitude pour le grand matou noir.

« C'est très gentil à vous de m'avoir laissé un morceau de votre proie. »

Il hésita un peu, avant de se présenter. C'était la moindre des choses. Et puis après, il pourrait aller dire qu'il s'était fait un ami dans la foret. Nul fierté la dedans, Atome était bien trop humble et doux. Mais il prouverait leur tort aux médisants.

« Je me nomme Atome. »

Il sourit timidement au matou noir, les moustaches frémissantes.

Le petit avait l'air tellement peureux, que Nova avait un peu de peine pour lui. Si il avait étais abandonner à son propre sort, il ne ferais pas long feu. Tout au mieux, un clan l'aurais attirer, et il aurait chasser pour eux toute sa vie. Au pire, un autre chat, le voyant trop faible, l'aurais abandonner, seul. Mais Nova voyait en ce petit, un peu comme lui et son frère. L'abandon. La solitude. Le stress de la peur. La peur du nouveau, du changement. Perdu dans ces pensées, il regarda le petit manger. Après tout, si le solitaire avait faim, il irais chercher un rat ou deux, ça lui suffirait, du moins pour cette après midi.

Un faible merci savait sortit de la bouche de petit félin, et Nova fit un signe de la tête, un sourire amical au lèvres. Pour Nova, avoir en face, quelqu'un qui ne le chasse pas, quelqu'un qui accepte un présent de lui, quelqu'un à qui se rapprocher, c'était un petit plaisir. En ce moment, sa vie étais vide. Aucune femelle. Que des putains de rateaux des femelles des clans. Du moins, pour le moment. Il sortit de nouveaux de ces pensées par des paroles du petit mâle en face.

« C'est très gentil à vous de m'avoir laissé un morceau de votre proie. »

Oui je sais je suis trop gentil. Nova ne savais pas comment réagir. Un domestiques, disait que Nova ? Lui ? Le solitaire noir aux yeux d'or ? Gentil ? Pourtant tous disait des solitaires que c'était des voleurs de nourriture, des tueurs de chatons, des violeurs.. Mais la réalité en était très loin. Sauf peux être pour le vol de nourritures, de temps en temps... genre de rien... Bref.

« Je me nomme Atome. »

Un petit sourire sur ces babines, le petit mâle attendrissait limite notre solitaire. Il n'avait jamais connue ça, hormis avec son frère, Jack. Un sentiment de protection, c'était... étrange.

« Je me prénomme Nova. Et je suis ce que tout le monde appelle vulgairement, un solitaire, tout ça car la solitude, ça me connais. »

Il aimait pas ce que les autres disait de lui. Ca le rendait encore plus seul. D'ailleurs, le petit semblait tout aussi seul.

« Tu as l'air assez loin de chez ton humain. … Tu veux rentrer chez toi ? Où que je t'apprends quelques trucs pour te débrouiller avant de rentrer ? Je t'accompagne ! »

Un élan d’enthousiasme dans sa phrase faisait penser à un jeune chaton qui venait de faire un ami, alors qu'il avait presque 30 lunes déjà. Ca lui faisais du bien ce sentiment, comme si le petit aller devenir l'ami d'un solitaire. C'est beau de rêver, solitaire signifie bien ce que cela veux dire.

Le jeune tigré commençait à espérer que les chats sauvages ne soient pas tous des bêtes meurtrières et mesquines au regard du comportement du matou face à lui. Peut-être pourrait-il s'en faire un ami ? Et peut-être même qu'il lui permettrait de rencontrer plus de chats comme lui ? Dans son esprit des étincelles pétillaient. Et son regard, tout doucement, vibrait de curiosité et d'admiration.

« Je me prénomme Nova. Et je suis ce que tout le monde appelle vulgairement, un solitaire, tout ça car la solitude, ça me connais. »

Une acclamation d'étonnement s'inscrit sur la museau du jeune chat aux yeux vert pomme. Un solitaire ? Et dire que c'était ceux-là qu'on réputaient plus ignoble que les autres ! Un petit sourire timide étira les lèvres du domestique.

« Tu n'as pourtant pas l'air méchant ! »

La tête d'Atome se pencha sur le côté, et il battit de la queue silencieusement, ravi de cette rencontre, mais toujours posé et humble, il ne s’épanchait pas en signe de joie. Un simple sourire, un battement d'oreille ou un frémissement de moustache était chez lui, des signes de bonheur. Quant bien même ces signes étaient très fréquent, ils restaient les seuls qu'il utilisait à loisir.

« Tu as l'air assez loin de chez ton humain. … Tu veux rentrer chez toi ? Où que je t'apprends quelques trucs pour te débrouiller avant de rentrer ? Je t'accompagne ! »

Le museau du tigré retrouva une plus grande austérité, et il répondit d'une toute petite voix, de peur que le solitaire ne dise des choses qu'Atome ne désirait pas entendre.

« Je veux bien des petites astuces, pour pouvoir manger régulièrement... »

Les prunelles vert pomme lâchèrent le solitaire pour effleurer le sol de la lisière des bois. Il avait honte de se plaindre ainsi de ses maîtres. Ce n'était pas leur faute s'ils oubliaient de plus en plus souvent sa gamelle, après tout le bébé bipède leur prenaient tellement de temps, d'attention, et de patience. Il le voyait bien. Gêné, le jeune domestique enfuit ses griffes dans la terre meuble et traça des sillons par terre. Il n'aurait vraiment pas dû évoquer le sujet. Mais Nova avait l'air si gentil... Il avala sa salive avec difficulté, à cause d'une boule dans la gorge qui lui barrait la trachée. Alors, il prit une profonde inspiration, et cela passa un peu.

Confiant, mais inquiet tout de même, le jeune matou observa Nova lui indiquer un buisson. L curiosité l'emportant sur la prudence, il s'en approcha, narines frémissantes. Une odeur acidulé, fruité, le prit à la truffe. Elle ressemblait un peu aux petites boules violettes que ses maître mangeaient régulièrement. Atome acquiesça lorsque le solitaire au pelage sombre lui expliqua de quoi il s'agissait.

« Ceci sont des baies, les bipèdes en raffole, c'est sucré, mais ça se mange, pas assez pour quelqu'un qui meurs de faim, mais ça suffit pour sauter un repas. Sinon, il te faudra chasser. »

Les oreilles du jeune matou se redressèrent. Chasser... Il n'était pas très fin chasseur. Tout au plus il savait attraper des oisillons tombés du nid, ou des piafs blessés rendus incapables de voler. Le tigré déglutit. De plus, il n'était pas fan du goût ferreux de l'hémoglobine. Il s'en contentait, certes, lorsqu'il n'avait rien d'autre à se mettre sous la dent. Notamment quand les deux Bipèdes qui l'avaient tant chéri autrefois oubliait de remplir sa gamelle de croquettes. Certes cette nourriture était plus fade que de la chair d'oiseau exsangue, néanmoins elle était croquante sous les dents, et Atome aimait bien cette texture. Et puis, la saveur poulet n'était pas si mauvaise au fond. Les prunelles vert pomme du jeune chat se voilèrent de tristesse, de doute et d'incompréhension. Pourquoi donc ses maîtres ne l'aimaient plus ? Qu'avait-il fait ? La seule bêtise commise avait été de rentré dans la chambre du bébé bipède lorsqu'il dormait, attiré par la curiosité. Finalement il n'avait pas pu le voir car sa maîtresse l'avait chasser à coup de balai.

« Je ne sais pas chasser. »

Atome releva les yeux vers Nova. Il esquissa un sourire timide, incertain et maladroit. Peut-être était cela que lui reprochaient ses Bipèdes ? De ne pas savoir se nourrir seul ? Le matou tigré lança un regard derrière lui, vers l'espace dégagé derrière les troncs secs des épineux. Là-bas, sa maison et son jardin semblaient attendre, accueillant et lumineux. Et pourtant. Cette terre n'était plus sienne. Il ne s'y sentait pas heureux. Sauf lorsque quelques fois, sa maîtresse se rappelait de lui, venait le caresser en lui donnant une gamelle pleine. Puis, elle disparaissait à nouveau, allant s'occuper du bébé Bipède qui commençait à marcher sur deux pattes. Et encore, la porte claquait et il restait dehors, à observer la vie du dedans. Celle où il avait été si bien avant l'arrivée du petit Bipède. Le jeune chat regarda la sol, puis finalement, remonta le museau vers Nova.

« Crois-tu que mes maîtres ne m'aiment plus ? »

La culpabilité se lut immédiatement dans son regard d'adolescent. Il s'en voulait de penser ainsi, alors que ses Bipèdes ne lui avaient jamais fait de mal, et qu'ils avaient été doux et attentionné avant l'arrivée de l'autre. Il aurait dû les remercier plutôt pour toute cette attention et cet amour. Alors pourquoi les doutes l'assaillaient de plus en plus fréquemment ? Brisant son coeur ? Vidant son énergie à combattre, à chasser et à rester en forme ? Pourquoi il lui semblait que tout son bonheur disparaissait dès que cette fenêtre était close ? Le poil hérissé et les oreilles collées contre le crâne, Atome se recroquevilla sur lui-même. Il ne savait plus. Que devait-il faire ? Ou était sa place ? Endurer encore l'absence de ses Bipèdes et le manque de nourriture, pour avoir, parfois, quelques marques d'attention ? Ou bien suivre Nova, se débrouiller seul, sans rien attendre de personne ? Il ne savait pas. Parce que même si il avait la réponse à sa question, il avait peur. Il était terrorisé à l'idée de quitter ce jardin qu'il avait toujours connu.