Le jeune chat tigré se reposait dans les branches de son pommier. Son regard vert perdu dans le feuillage imbibé de lumière, il léchait sa patte afin d'essayer de nettoyer les poils du dessus de son crâne. En effet, si ses maîtres oubliaient régulièrement de lui remplir la gamelle, ils n'oubliaient pas d'engluer ses poils avec cette substance gélatineuse et à l'odeur nauséabonde dont il avait fini par s’accommoder avec le temps. Cette fragrance collait à son odeur corporel comme l'ombre à ses pattes. Malgré tout, il préférait en retirer un maximum. Il n'aimait pas indisposé ses amis félins, et puis ses maîtres n'avaient pas été doux ce matin, et le gel solidifié tirait sur ses poils. Il n'avait rien contre la crête qu'on lui imposait, mais là, c'était trop désagréable. Dans un soupir, il cessa toute activité. Sa langue resta pendue quelque instant, lui permettait de capter une odeur supplémentaire qu'il n'avait pas repéré plus tôt. Un regard vers le bas de son perchoir et il aperçut le pelage flamboyant d'un chat sauvage.

Le chat domestique se plaqua contre sa branche, inquiet et silencieux. Certes sa rencontre avec Nova l'avait rassuré quant aux légendes et on-dit sur les félins sauvages. Mais il restait incertain. Après tout, il ne connaissait rien de leur manière et risquait de les offenser par sa simple présence, il le savait. Nova lui, ne vivait pas comme les autres, il était plus seul, donc plus ouvert d'esprit. Du moins c'est ce que le tout jeune matou pensait en amalgamant les racontars sur les chats de la forêt et les histoires de Nova...
Finalement la curiosité l'emporta et il se détendit un peu, faisant rouler ses épaules pour se préparer à descendre. Oreilles plaquées contre le crâne, les griffes plantées dans l'écorce à s'en faire mal, il descendit tout doucement, en essayant de pas faire peur au rouquin qui venait mâchouiller l'herbe à chat que ses maîtres avaient planté là quelques semaines plus tôt. Arrivé à une hauteur suffisante, le jeune chat tigré sauta au sol dans un miaulement retentissant. Il n'était pas trop un félin des hauteurs. Et l’atterrissage était toujours délicat.

Dans un petit ronronnement pour signifié sa présence, il s'approcha de l'inconnu. Dévoré par la curiosité, mais aussi par la crainte, il s'avançait sur le flanc de l'animal couleur feu, la queue basse et les moustaches frémissantes. Atome était d'un naturel souriant et avenant, très doux, et surtout très discret et humble. Aussi arrivait-il en souriant timidement.

Contre toute attende,le chat roux fût surpris de trouver le jaune matou tigré à son côté.

« Muraaaaaaa ! »

Pourtant pas silencieux, Atome aurait dû être senti et entendu arrivé. Certes le vent jouait pour lui, donc effectivement que peut-être l'autre n'avait pas pu usé de ses narines. Penaud en voyant la mine perturbé de son congénère, le domestique rentra la tête dans les épaules se faisant plus petit encore pour se confondre en excuses.

« Pardonnez-moi monsieur le chat sauvage. je ne voulais nullement vous effrayer... »

Les moustaches du jeune chat frémirent et ses prunelles vertes pomme fixèrent le sol, honteux. Sol sur lequel était, éparses, nombre de tiges d'herbe à chat fraîchement coupées. Leur disposition sur les pattes sur rouquin le firent sourire. Et il remonta lentement les yeux vers le museau du sauvage. Il rencontra alors son regard accusateur. Docile et inquiet, après tout, les chats sauvage étaient réputés pour être dangereux, Atome recula d'un pas en inclinant la tête pour s'excuser à nouveau. Techniquement, c'était l'inconnu au plage de feu qui était en tort, puisqu'il venait cueillir son herbe à chat, dans son jardin. Mais le petit chat tigré n'avait tellement pas de notion matérialiste qu'il se sentait coupable de ne pas être arrivé face au matou au poil hérissé.

L'adolescent déglutit et remarqua que l'attention du félin inconnue s'était déportée sur son oreille. Cette dernière se plaqua contre son crâne sous le coup de l’inquiétude, faisant teinter les deux anneaux qui s'y trouvait. Tellement habitué à ces deux petits objets plantés dans son oreille, Atome ne put pas imaginer que cela intéressait tant l'intrus. Finalement, la curiosité lui ôta toute prudence et il montra de la patte le tas de brin d'herbe à chat, oreille dressés et regard intrigué.

« Pourquoi en avez vous besoin ? Vous n'en avez pas chez vous ? »

Nullement possessif, sa question était de la curiosité pur. Naïf et encore tout jeunne, il ne pouvait pas deviner que l'herbe à chat ne poussait pas dans la forêt...

Il sembla à Atome que son interlocuteur dû réfléchir énormément pour lui offrir une réponse. A sa moue sérieuse et concentré, il comprit que le chat roux cherchait quoi répondre. Pourtant la question du jeune mâle n'était pas si compliquée... Le matou sauvage entama alors une série de gestes plutôt habiles pour un félin. Le tigré fixa cette patte posée sur la gorge de l'habitant de la forêt, qui remontait lentement vers son oreille. Avait-il mal ? Était-il enroué ? Malade ? Gorge et oreille. Voix et sons. Il n'avait plus de voix et entendait mal ? Certaines maladies faisait ça. Chaton, Atome avait eu un rhume, il s'était senti coincé dans une boule de coton tout le temps qu'il était malade. Peut-être était cela ? Le rouquin était enrhumé alors ? Voix et sons. Une extinction de voix et une mauvaise audition ?

Le jeune matou comprit qu'il devait plutôt s'agir de cela lorsque l'autre continua ses signes en silence. Alors qu'il restait concentré sur les gestes du chat aux prunelles bleu glacé. Lorsqu'il secoua la tête il comprit enfin. Voix. Sons. Non. Pas de voix. Pas de sons. Muet et sourd. Le regard vert pomme du jeune chat gris tigré de marron s'arrondit sous sa soudaine lumière d'esprit tandis q'un petit sourire accompagnement son acquiescement. Il avait compris. Au moins la première parti du message. Le domestique comprit aussi que le sauvage répondait à sa question quand il désigna de sa griffe l'herbe à chat qu'il avait sectionné de ses crocs auparavant. Lorsque le matou muet montra sa poitrine, l'adolescent chercha la signification de ce signe. Respiration ? Coeur ? Ce devait être ça, car il montrait le côté gauche de son poitrail. Lorsque le chat enserra l'endroit où il désignait son coeur, le tigré dû avouer qu'il ne comprenait pas trop...

Coeur serré ? Tristesse ? Ou coeur et douleur ? Maladie ? Il se doutait qu'il manquait un rien à sa compréhension, mais il n'arrivait pas à attraper la nuance du geste. Par contre, lorsque le roux au yeux bleu rétracta ses griffes et lâcha un grand sourire, le poil tout gonflé, Atome comprit que les herbes permettaient de passer du mauvais au bon. D'aller mieux. C'était donc un remède. Il se promit de réfléchir plus tard, à froid, aux gestes échangés avec ce chat, pour découvrir ce que l'herbe à chat permettait de soigner. Tout ce qu'il savait de cette plante, c'était qu'elle le laissait dans un état vaseux, euphorique, où tout lui semblait bon et amusant. Il penchait donc plus pour un remède à une blessure psychologique... Aider à résoudre un traumatisme ? Une peine de coeur ? Ou encore une tristesse chronique et récurrente ? Parfois Atome en prenait pour oublier que ses Maîtres n'avaient pas remplis sa gamelle, ni ne lui avait ouvert la porte durant plusieurs jours...

Le jeune chat déglutit, chassant cette idée noire qui avait assombrit son regard. Il reposa ses orbes de jade sur le chat sauvage qui voulait guérir quelqu'un, de quelque chose, avec de l'herbe à chat. Ce dernier le désignait de la patte, tout en fixant sur lui des iris couleur givre curieuse et inquisitrice. Le chat domestique allait répondre quand il se rappela que le roux était sourd. Oui mais... Pourtant, il avait répondu à sa question ! Donc il possédait un autre moyen de communication. Atome chercha dans ses souvenirs l'instant où son interlocuteur réfléchissait pour lui répondre, et son regard ne lâchant pas les babines du jeune. C'était ça ! Il lisait sur les lèvres. Donc, logiquement, si l'adolescent articulait bien, le sauvage comprendrait ! Atome retrouva le sourire et remarqua que l'autre désignait quelque chose derrière lui. Curieux, il se retourna mais ne vit rien.

Il lança un regard interrogateur au rouquin avant de comprendre qu'il ne montrait pas derrière lui mais son oreille sur laquelle se trouvait les deux anneaux de métal que ses Maîtres lui avaient mis alors qu'il était tout bébé, trouant son oreille à deux reprises. Légèrement décontenancé que ça intéresse tellement le chat sauvage, car pour lui les deux boucles étaient devenues inhérentes à son corps, il chercha comment exprimer une réponse compréhensible pour le sourd. Lentement, et maladroitement surtout, il commença à esquisser des premiers gestes. Tout d'abord, il se présenta, posant une patte sur son poitrail.

« A-to-me. »

Puis, il plia les pattes avant et baissa les oreilles, pour rapprocher les deux anneaux de métal de son interlocuteur. De ce fait, les deux boucles de son oreille teintèrent entre elle en se cognant l'une à l'autre. Il regarda vers le haut à gauche, comme s'il cherchait à les apercevoir. Anneaux. Puis lança un regard vers la petite maison de ses Bipèdes tout en la désignant de la queue. Ce sont eux. Les Bipèdes. Enfin, il haussa les épaules. Peu d'importance. Habitude. Normal. Il ne savait pas du tout comment exprimer cette idée là. Il ne pouvait donc qu'espérer que le chat sauvage ai compris. Puis, dans un élan de curiosité, il montra ce dernier du bout de la patte, avec des yeux empreint de soif de connaissance. Et toi ?